Hurlus et Turlupins
Hurlus
Texte initial proposé par Christine Yackx
À la fin du XVIe siècle,dans les provinces de Flandre, Hainaut et Cambrésis, les Hurlus étaient des troupes armées qui ne reconnaissaient plus la domination du souverain légitime. Ils faisaient des incursions dans les terres soumises aux rois d'Espagne, dévastaient, pillaient, incendiaient.
On peut les rapprocher de ceux que, sous Louis XIII, on désigna sous le nom de "Schnapphan" d'où le "chenapan" français et qui franches,armées d'arquebuses, se transformèrent, par la suite, en voleurs de grand chemins.
Mais "hurlus" alors? Peut-être que ce mot vient du flamand "Huurling" qui signifie mercenaire ou homme à gage. À moins que ce ne soit "hourloon" qu'on traduit par gage, salaire qu'on donne à un homme loué pour tous travaux.
On peut aussi trouver l'étymologie du mot "hurlus" dans une onomatopée tirée des "hurlements" proférés par ces pillards au moment de leur irruption inattendue dans un village.
Et si c'était plutôt les cris d'avertissement et de détresse poussés par les malheureux paysans sur le point de passer un mauvais quart d'heure?...
Quoi qu'il en soit, ce mot "Hurlus" demeura longtemps et traditionnellement dans la mémoire des populations flamandes, synonyme de "pillard". La preuve : parmi les personnages de l'ancienne procession de la ville de Lille, figurait "le tambour-major des Hurlus". On avait tenu à lui donner une mine rébarbative et menaçante...
Les contrées qui eurent le plus à souffrir des ravages de ces bandes cruelles furent celles de Cambrai, de Valenciennes, de Lille et de Tournai. De 1580 à 1593, les paysans eurent le plus à souffrir des ravages de ces bandes cruelles furent celles de Cambrai, de Valenciennes et de Tournai.
De 1580 à 1593, les paysans eurent la bonne idée de placer des guetteurs à chaque clocher de village, pour apercevoir, de loin, l'arrivée des pillards et sonner le tocsin, afin d'alerter la population. En un clin d'oeil, on mettait à l'abri femmes, enfants, vieillards, bestiaux sans oublier l'argent qu'on dissimulait habilement. Déception des Hurlus qui ne trouvaient rien à se mettre sous la dent! Hélas, leur répression était souvent terrible et ils se vengeaient en incendiant les fermes et les chaumières...
Peu à peu, les villageois renforcèrent leurs défenses, fortifièrent les églises, comme celle de Bermerain, entourant les cimetières de murs crénelés hérissés de tours...
Le chroniqueur valenciennois Jean Dondelet, dans «Sommaire des guerres cambray», signale que, en 1580, les Hurlus avaient pris le parti de la garnison de cambrai commandée par le Sieur d'Inschy qui ne reconnaît ni l'autorité de l'Espagne ni celle de l'archevêque.
Dans son "Petit dictionnaire de Lille" -édition de 1733, André-Joseph Panckoucke relate l'incendie de l'église de Quesnoy-sur-Deule, sous Philippe II. Selon lui, ce sont les Hurlus, hérétiques révoltés qu'on appelait aussi Gueux qui en étaient les responsables...
Le 25 novembre 1580, les Hurlus se rendirent maîtres de la ville de Condé-sur-l'Escaut.
Le 8 septembre 1581, ces mêmes Hurlus s'emparèrent de la ville de Saint-Ghislain,
le 12 août 1582, les Hurlus de Cambrai entrèrent dans Onnaing et Quarouble et emmenèrent avec eux les bestiaux.
Le 2 avril 1595, soit treize années plus tard et il sévissaient encore, ces Hurlus de Cambrai, au service du gouverneur de cette ville, Balagny, s'avancèrent jusqu'au faubourg de Mons, aux portes de Valenciennes et mirent le feu. Ce faubourg était très vaste et s'étendait jusqu'au "Rolleur". Pas moins de 54 maisons et belles fermes furent réduites en cendres...
Plus tard, un des habitants qui avait fait reconstruire sa demeure, plaça, au-dessus de sa porte, cette curieuse inscription:
"Le deuxiesme d'avril en l'an mil cinq cents Avec nonante cinq, par Hurlus de Cambray, Sujets de Balagny,athéiste pour vray, Ursupant Cambrésis, tyrannisant les gens, Ce faubourg fut brulé. Tant que je durerai A tous ces successeurs je le déclarerai."
La valeur poétique de ces vers n'est point excellente mais, du moins il témoignent de cet évènement dramatique et insensé; c'est pour l'Histoire de notre région, une précieuse indication.
Au siècle suivant,au cours d'un des sièges que valenciennes eût a soutenir, la maison disparut définitivement.
Avant de se faire oublier, les Hurlus, ces bandes enragées sans foi ni loi, infestèrent longtemps encore, nos campagnes et nos faubourgs.
- Sources
- Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique, Volume 2. p.149.
Turlupins
25 mars 1420 Des hérétiques sont arrêtés à Douai. Ils avaient l'habitude de se réunir hors la Porte Morel, route de Lille, pour écouter les "prêches" d'un prédicateur qu'ils avaient fait venir de Valenciennes. On les appelait "Turlupins".
C'est l'évêque d'Arras qui instruisit leur procès... Six hérétiques, ainsi que le prédicateur, furent condamnées à être brûlés vifs avec leurs livres. C'est sur la places d'Armes de Douai que la sentence fut exécutée.
Quelques jours plus tôt, on y avait dressé deux "hourds", vastes amphithéâtres destinés aux assistants. Un incident se produisit pendant la triste "cérémonie" : une des estrades, celle qui accueillait les "gens d'église", s’écroula subitement faisant plusieurs blessés plus ou moins graves. Après cela, l’exécution se termina sans autre encombre. Mais, au lendemain de l'accident... et de la crémation, on jasa beaucoup dans la ville de Douai...
Mais ces "Turlupins" qu’étaient-ils donc?
On peut dire une sorte de secte dont les membres parlaient publiquement avec impudence et, persuadés qu'on ne devait avoir honte de rien de ce qui est naturel, erraient absolument nus de par les rues et faisaient cyniquement commerce avec les femmes sans aucune retenue. Ils se disaient publicains et appelaient leur secte "La Fraternité" et aussi la "société des pauvres".
"Turlupin" viendrait, pense-t-on, du fait que ces gens habitaient ou fréquentaient des lieux exposés au loups. Ils s'implantèrent en Angleterre et tentèrent aussi de s'établir à Paris vers 1372, mais on se hâta d'en faire monter un certain nombre sur le bûcher et de détruire leurs livres. Puis, ils disparurent peu à peu...
Étrange tout de même, cette appellation "Turlupin"!
(autre piste) Au XVIIème siècle, Turlupin était un comédien populaire et bouffon très en vogue à paris.Il fit tant de concurrence aux acteurs de l’Hôtel de Bourgogne que ceux-ci finirent par se plaindre auprès du cardinal de Richelieu. Le ministre voulut se rendre compte si la réclamation avait raison d'être et il convoqua au "Palais-Cardinal", Turlupin et deux de ses acolytes, Gaultier et Guillaume.
On leur demanda de jouer dans une alcôve qui leur servit de théâtre improvisé. Quel honneur pour les trois compères qui se surpassèrent! Jamais scènes plus plaisantes, plus gaies, plus comiques ne furent représentées! L'auditoire était ravi! Le cardinal avait beaucoup ri et semblait conquis. Il fit appeler les plaignants et leur déclara :
- On sort fort triste de la représentation de vos pièces! Engagez donc trois acteurs si comiques! Le parterre y gagnera et vous n'y perdrez rien!
C'est ainsi du Turlupin devint un comédien renommé et son nom resta synonyme de bouffon, mauvais plaisant.
Mais quel rapport avec les hérétiques en question ? ...
Dans le parler de Cambrai, Valenciennes ou Mons, on emploie "turlupiner" pour exprimer la contrariété, la tracasserie mais aussi, parfois, pour se moquer de quelqu'un, le tourner en ridicule. Ce mot dérive-t-il du baladin réputé qui avait "turlipiné" les acteurs de l’Hôtel de bourgogne?
Ou de ces sectaires qui, à la fin du XIVème Siècles, ont amené à Douai et à valenciennes, la mode de satisfaire à tous les besoins de la nature et même ceux de la reproduction de l'espèce dans les carrefours et les places publiques?...