Anéen

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Depuis le 8 Septembre de l’an 1008 que la ville de Valenciennes fut délivrée de la peste par un Cordon miraculeux dont la Vierge entoura ses murs, on promena tous les ans, à l’extérieur de la ville, ce précieux ruban dans une riche châsse d’argent couverte de pierreries, en suivant les mêmes sinuosités que forma le Saint Cordon quand il ceignit la cité. Telle fut la mystique origine de la procession de Valenciennes. Or, il advint qu’en une année de malheur la banlieue de cette ville fut empestée d’une autre manière : c’était le flamand Van Een, brigand éhonté qui saccageait les fermes, violait les filles et dévalisaient les marchands : il fut abandonné de Dieu pour convoiter Notre Dame du Saint Cordon ; il aimait assez les vierges, surtout celles chargées d’or et d’argent. Il guetta donc la nôtre au sortir de la ville, tomba dessus, et l’enleva de vive force au milieu d’un clergé nombreux et de fidèles désarmés qui passèrent de leurs cantiques saints à des imprécations méritées. Les habitants des faubourgs, instruits les premiers de ce vol impie, montèrent à cheval, s’armèrent à la hâte et coururent sus aux brigands. Ils eurent le bonheur de l’atteindre et de ramener seine et sauve la fierté de ND du Saint Cordon, au grand contentement de la population valenciennoise.

De ce jour date la formation, dite des puchots (puceaux), composée de norretiers, ou habitants des faubourgs ; ils eurent le privilège d’escorter tous les ans Notre Dame du Saint Cordon à la procession du 8 Septembre, et de battre la campagne autour de la ville pour éviter tout accident semblable à celui de Van Een. On ne s’en tint pas là, le magistrat de Valenciennes, pour reconnaître le courage des cavaliers du faubourg, institua en leur honneur, une espèce de carrousel, ou de course de bague qui avait lieu tous les ans le 9 Septembre. Les Puchots seuls y avaient le droit d’y courir en grande tenue ; c'est-à-dire en habit écarlate, espèce d’uniforme de chevaux-légers. Le mannequin qui tenait les bagues fut appelé Van Een, et par corruption Anéen ; il était représenté en guerrier colossal, tournant sur un pivot ; sa main droite tenant un écusson d’où sortait les anneaux, sa main gauche était armée d’un fouet qui frappait vivement le coureur malhabile dont la lance avait touché trop haut et fait pivoter le géant.

Ce jeu chevaleresque tirait son origine d’Orient et avait été imité dans les fêtes données par les souverains du moyen âge. François 1er s’en amusa dans ses carrousels et les chroniques du temps nous rappellent qu’en Novembre 1601, Henri IV célébra la naissance de son fils par un jeu de l’homme armé, où les jouteurs combattaient un mannequin, habillé en More et placé sur un pivot, de sorte que les quelques coups portés ailleurs que dans le tronc et au visage, faisaient tourner le négrillon, qui rendait alors aux maladroits de rudes coups de lance ou d’estramaçon (épée droite, longue à deux tranchants).

Ces burlesques carnavals se maintinrent longtemps à Valenciennes où les constances des habitants changeait peu de chose dans les jeux et les habitudes publiques : on les suspendit un moment, mais on les renouvela en 1669 ; un sculpteur assez célèbre dans le pays, Gillis, avait su tirer de son ciseau une statue d'Anéen qui eut quelque réputation comme ouvrage d’art ; elle fut malheureusement détruite à la révolution, sous le prétexte que l’effigie du brigand Van Een, avait un caractère de féodalité et de fait il portait un écusson ! ce crime de lèse égalité le fit condamner à être brûlé en compagnie avec une foule de blasons, armes, seaux, cachets et effigies royales fort scandalisées de se voir comprises avec un voleur de si grand chemin.

Nouveau phénix, Anéen sortit de ses cendres en l’an IX de la république, lorsqu’un nouveau besoin de fêtes et de plaisirs se fit sentir après le triste et ridicule règne du directoire ; sa seconde vie fut plus courte, Anéen fut détrôné à tout jamais par une froide statue de Minerve qui servait de course aux bagues ordinaires et publiques. Les habitants de cette époque ont conservé un doux souvenir de l’ancien jeu et l’on les entendait fréquemment se servir de l’expression tirer à l’Anéen pour courir à la bague.(Jeu de bagues : jeu dans lequel les cavaliers d'un carrousel devaient décrocher des anneaux suspendus à un poteau fixe.

Les hommes et les choses du Nord de la France et de la Belgique – Aimé Leroy, (bibliothécaire de Valenciennes, 1793-1848) – Arthur Dinaux, 1829

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