La journée des Mau-Bruslez

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Chronique valenciennoise (1562)

Introduction

Nous allons entrer en l’an soixante et un, soixante deux, et les suivants, mémorables et détestables pour les malheureux fruits qu’ils ont produits, desquels nous avons encore les dents agacées. Henri d'Oultreman (Histoire de Valenciennes)


C‘est qu’à cette époque, où chaque province avait ses lois, chaque ville ses coutumes, chaque magistrat ses privilèges, lorsque lois, coutumes, privilèges se croisaient sur le pays, se gênaient, s’échancraient les uns les autres ; à cette époque où l’échafaudage des juridictions locales était toujours debout en attendant qu’un pouvoir central et régulateur vînt en saper la base, Valenciennes se faisait remarquer par l’indépendance et la fierté de ses privilèges, ainsi que par son empressement et son courage à les défendre. Aussi le titre de bourgeois de Valenciennes valait-il presque des lettres de noblesse, car il donnait à ceux qui en étaient revêtus un caractère d’inviolabilité auquel ni comte, ni marquis, ni seigneur n’aurait porté atteinte impunément. C’est ainsi pour citer un exemple entre mille, que «Messire Thomas de Vertaing, prévost de Maubeuge, au rapport de d'Oultreman, ayant fait un jour commandement à un certain Thomas Foriez, de mette bas la dague qu’il portait, ensuite de l’édit du prince, qui défendait le port de l’arme dans tout le Hainaut, ledit Thomas répondit en ses termes : Que n'y pour Seigneur, n'y pour Dame, il ne l’ôterait, estant bourgeois de Valenciennes. Et comme le prévost l’avait arrêté pour ce sujet, incontinent après il fut commander de le relaxer. Il ne faut plus s’étonner, si notre historien [[1]]Froissart ne trouve pas de plus haut titre à ajouter à son nom que celui de Bourgeois de Valenciennes, car on devait alors être fier de le porter.

Mais parmi les privilèges qui fourmillaient dans cette ville, comme dans tant d’autres, au moyen âge et même longtemps après, et qui était en quelque sorte le contrepoids de l’absolutisme d’un pouvoir partagé par tant de mains, il faut ranger en première ligne : Le Droit de franchise accordé aux débiteurs étrangers ou aux homicides qui «ayant blessé quelqu’un entre deux soleils ou commis un homicide, non pas meurtre, hors ville et banlieue, demandent de jouir de ce privilège. Ils devaient donc disaient les chartes de 1234, la demander étant hors banlieue ; ne pouvant entrer dans la ville, pour jouir de ce privilège, sans avoir demandé et obtenu, même si le requérant poursuivi par ses adversaires, de sorte qu’il fut contraint de se sauver en cette ville. Alors il pouvait y entrer jusque l’église St Pierre, sur le marché, criant à haute voix : franchise, franchise !...) Valenciennes avait aussi ses lieux d’asile, les églises étaient particulièrement choisies pour ce privilège ; mais on a vu aussi parfois des villes entières servir de lieux de refuges, c’est ainsi que : «Louis XI, roi de France, voyant que sa ville de Paris était dépeuplée d’habitants par la peste, qui ravageait cette ville l’an1467 ne trouva point d’appâts pour attirer les marchands, plus attrayant que la franchise, laquelle il octroya à tous les bannis qui y voudraient venir résider, telles que ces villes de St Malo et de Valenciennes». D’où il est aisé de conclure, que ces deux villes étaient estimées en ce temps là, pour les plus privilégiées et les plus franches, non seulement de tout le royaume, de France et , mais encore de tout le voisinage. Ces lieux étaient donc un sanctuaire sur le seuil duquel tout justice humaine venait expirer ; c’était une planche de salut, c’était une île qui sauvait du naufrage ceux qui y abordaient ; là, le naufragé pouvait sans crainte jeter un regard sur les flots qui venaient expirer à ses pieds, il n’était plus leur proie ; mais il fallait qu’il se gardât bien de penser à retourner sur ses pas, un pied hors du sanctuaire, un pied hors de cette île, il retombait dans les mains de ses persécuteurs, il retombait dans les flots.

Mais ce droit d’asile, de franchise, n’appartenait pas seulement à une église, à un chapelle, à un palais de roi ; à Valenciennes, il pouvait être revendiqué dans toute la ville, et lorsque les réclamants avaient séjourné un an et un jour dans cette ville franche, personne, fut-ce Messire Anselme de Bellaing, bailli d’Onnaing - qui fut lui-même forcé de venir tenir prison dans cette ville pour avoir attrapé et appréhendé au corps deux criminels qui s’étaient sauvé de prison et qui s’étaient réfugié dans la maison des ladres, au http://michel.blas.free.fr/cartographie/civ.htm faubourg Montois de cette ville – personne dis je, ne pouvait venir – personne ne pouvait les reprendre; car ils jouissaient alors du droit des bourgeois et ce titre était inviolable.

Comme le dit d’Oultreman : «Il faut noter que la vérité engendre la haine, la familiarité le mépris, ainsi la franchise de cette ville, qui donne entrée aux débiteurs, attire toute sorte de marchands, y apporta l’hérésie.» L’hérésie ! L’hérésie ! Hideuse verrue à la face de notre société d’alors lèpre qui ronge les entrailles de notre pays ! Immense incendie qui brûla si longtemps et qui ne s’éteignit que dans des flots de sang ! Ainsi pour une croyance, pour un principe, pour un mot, pour une abstraction peut-être, des hommes s’entr’égorgeaient, s’arrachaient une existence qu’ils n’avaient pu se donner, et se croyaient à l’abri du remords ou du châtiment ; parce que derrière leur crime il y avait leur Dieu ! Dérision ! Comme si le crime est un argument sans réplique, comme si le sang prouve autre chose qu’un crime !... Ces détails de nos privilèges au XVIe siècle, et des abus inévitables qu’ils engendraient, étaient indispensables pour les faits suivants, qui relèveront le caractère ferme et même un peu turbulent de nos aïeux.