Cantilène de Sainte-Eulalie

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Le plus célèbre manuscrit de la Bibliothèque municipale de Valenciennes est le manuscrit 150 qui abrite des sermons de Grégoire de Naziance et surtout la Cantilène de sainte Eulalie, premier texte en français que l’on ait conservé, premier poème de la littérature française.

La Cantilène ou séquence de sainte Eulalie est un poème religieux, peut-être un hymne, dont le texte nous est parvenu grâce au hasard de la conservation des textes.

Les derniers feuillets, restés blancs, du manuscrit 150 ont en effet été utilisés après coup pour la copie de cinq chants. Parmi ceux-ci, trois chants liturgiques latins et, aux côtés de la Cantilène (folio 141 verso), transcrit par la même main, le Rithmus teutonicus, l’un des premiers monuments de la langue germanique, célébrant la victoire de Louis III sur les Normands à Saucourt-en-Vimeu le 3 août 881.

La Cantilène de sainte Eulalie raconte comment, au cours de la persécution des Chrétiens ordonnée dans tout l’empire romain par Dioclétien, une jeune fille de treize ans appartenant à une riche famille de Mérida refusa de renier sa foi. C’était aller au-devant du martyre qu’Eulalie subit avec un courage exemplaire. Au moment où Eulalie expira, on vit une colombe blanche sortir de la bouche de celle-ci et s’élever vers le ciel. C’est par cette image, suivie d’une prière, que s’achève le texte de la Cantilène.

Depuis la découverte du texte en 1837 par le poète et philosophe allemand Hoffmann von Fallersleben, la Cantilène a soulevé de nombreux débats, le sens de son quinzième vers restant même énigmatique.

On s’accorde aujourd’hui à dater le livre du début du IXe siècle et on l’attribue à un scriptorium lotharingien. Le volume s’inscrirait dans une campagne de reconstitution de la bibliothèque de l’'abbaye de Saint-Amand entamée à la fin du IXe siècle, à la suite des invasions normandes qui ravagèrent celle-ci en 881 et 883. Quant à la transcription de la Cantilène, elle fut effectuée peu après 882, rien ne permettant de l’attribuer de manière certaine au scriptorium de Saint-Amand. L’œuvre a sans doute été composée peu après l’invention à Barcelone, en 878, du tombeau de la sainte dont le culte est alors attesté à l’abbaye d’Elnone. Le texte pourrait avoir été destiné à l’édification des hôtes laïcs « francophones » de l’abbaye.

La Cantilène pourrait-elle prouver que des moines de Saint-Amand possédaient la “clé des langues , c’est-à-dire le pouvoir d’inscrire les langages sous les signes de grammaire de manière que les nouvelles langues écrites contrastent à la fois entre elles et avec la langue latine, [et] de manière que leur recréation en écriture contraste avec l’impureté de leur discordance ” se demande Renée Balibar... Celle-ci attire en effet l'attention sur les sermons de Grégoire de Naziance qui constituent le corps du volume. Le poème se situerait alors dans le prolongement du sermon de Grégoire de Naziance pour le jour de la Pentecôte, texte célèbre sur la division des langues et la recréation de leur unité grâce à l’inspiration chrétienne.