Bulletin 06

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NOTRE PATRIMOINE

BULLETIN DU COMITE DE SAUVEGARDE DU PATRIMOINE VALENCIENNOIS.

N°6 Automne 2002.


Naissance d’un contentieux

Pour la seconde fois depuis sa naissance, le Comité de Sauvegarde a recours à justice. Deux procès en 33 ans démontrent que notre association n’est pas une acharnée des prétoires.

Le premier litige nous a opposé en 1994 à l’OPAC de Valenciennes et nous avions obtenu l’annulation du permis de démolir les 6 et 8 rue de Hesques en covisibilité directe avec le Mont de Piété et Notre Dame du Saint Cordon.

Aujourd’hui, nous contestons le permis de construire délivré pour un immeuble de bureaux et d’habitations rue Crauk dans le grand jardin du 6 boulevard Watteau. Le bâtiment projeté n’est pas proportionné à son environnement (16,22 m de haut, 22 m de large, 30 m de profondeur). La maison mitoyenne rue Crauk est écrasée, la tour de la Dodenne n’est plus l’élément dominant de ce site magnifique. De plus, le jardin actuel que le bâtiment doit recouvrir, est répertorié dans le projet de ZPPAUP comme étant à préserver. Dès lors, même si au jour de la signature du permis de construire la ZPPAUP n’était pas encore juridiquement applicable (à quelques mois près), comment admettre qu’un permis anéantissant cet espace soit accordé ? Une telle absence de logique qui pourrait s’apparenter à un dédoublement de personnalité, démontre en réalité la cruelle absence d’une véritable agence d’urbanisme au sein de notre administration communale, qui soit capable d’une vision à long terme et de la développer avec cohérence.

Le Tribunal Administratif de LILLE saisi à la fois par notre association et par l’un des voisins, a suspendu le permis ce qui a pour effet d’interrompre le travaux. Quelque soit le résultat final, notre association ne pouvait rester sans réaction.

À noter :

En début d’année, nous avons changé de monnaie, pour des questions de facilités, la cotisation est fixée à 16 €.

IMPOSTES A VALENCIENNES.

Les maisons particulières du XVIIIè et du début du XIXè siècles étaient hautes de plafond, et le couloir d’entrée étroit. L’espace qui surmontait la porte pouvait donc s’orner d’un réseau d’ébénisterie de petits bois, qui reflète les modes successives du mobilier.

Le temps de Louis XVI eut le goût des formes ovales, jusque dans l’architecture, et des élégances mièvres des bergeries enrubannées (1, 2, 3, 4), au point que les monogrammes des propriétaires se tortillent jusqu’à être peu lisibles.(2, 3). Et c’était bien une mode du temps, puisque le château du parc d’Enghien présente une imposte presque identique. On en trouvera d’analogues 84, rue de Famars, 30, rue Abel de Pujol, 18, rue du Grand Fossart, et aussi au 159, rue du Quesnoy, à la maison des associations, hommage de l’ébéniste d’un mécène à ses prédécesseurs, adroitement imités.


Autre référence aux modes de l’époque, le décor en léger relief d’une porte, qui évoque des arabesques tracées à la pointe du pinceau des panneaux décoratifs de Watteau (5). Les impostes semi-circulaires des baies en plein cintre entraînaient un décor rayonnant (6), adapté vaille que vaille à une surface rectangulaire (7, 8).

Puis le goût se fait plus sévère : à des formes encore contournées s’associe une certaine raideur du décor axial «à la soupière », à la mode à l’extrême fin du XVIIIè siècle.

Autres impostes à décor rayonnant : 9, rue du Petit Fossart, 70, rue du Quesnoy, dans la cour, 13, place Verte, 20, rue Capron, dans la cour, et nombres d’autres moins élaborées.


Avec le style néoclassique du temps de David et de l’Empire, la simplicité «antique » s’impose, et la raideur militaire des attributs guerriers prévaut sur les grâces de l’Ancien Régime finissant 5, rue Abel de Pujol (9, 10) et 16, rue de Beaumont. Lui succède, peut-être en réaction, après l’épisode de la restauration le goût de la surcharge accumulant des motifs décoratifs hétéroclites comme en témoigne l’imposte de l’institution Sainte Marie datée de 1884 (11).

Textes et dessins de Jean Claude BOULENGER

Perspectives.

La création le 17 juin 1969 du Comité de Sauvegarde par une poignée de valenciennois blessés par l’anéantissement du quartier Edmond Guillaume et farouchement opposés à la démolition promise de l'Auberge du Bon Fermier et de la «Maison Espagnole » rue des Capucins, constituait un acte de rébellion civique. Les plus anciens de nos lecteurs se souviendront du climat local de l’époque : apologie du modernisme, volonté de créer un maximum de logements neufs en centre ville, ouverture de larges voies de circulation, autoritarisme politique… Bref, l’heure n’était pas aux considérations esthétiques ou patrimoniales. La décision de fonder une association de sauvegarde allait à contre courant. Depuis une dizaine d’années, les mentalités ont évolué. Le patrimoine est une valeur revenue à la mode même si les moyens financiers font souvent défaut.

La Ville de Valenciennes a compris que seules des mesures énergiques pouvaient inverser le processus de destruction des quartiers anciens amorcé depuis l’après-guerre et résultant du désintérêt prolongé de nos élus pour les questions d’urbanisme et d’architecture.

L’OPAH Quesnoy-Delsaux a été la première tentative d’intervention sérieuse à l’échelle d’un quartier mais a manqué de moyens. L’opération « façades du Neuf-Bourg » est l’outil le plus efficace jusqu’à présent mis en œuvre. Le coût est certes important pour la ville mais les réalisations accomplies sont spectaculaires et en étonnent plus d’un. Il faut espérer que ce dispositif soit reconduit et étendu à d’autres quartiers.

La ZPPAUP qui vient d’entrer en vigueur, est un document d’urbanisme qui a vocation à assurer au quotidien la protection du Patrimoine recensé. La ville de Valenciennes va adopter un Périmètre de Restauration Immobilière (PRI)incitant les propriétaires à réhabiliter les immeubles dégradés. La carotte sera fiscale et le bâton, l’expropriation. Alors, puisque tout semble en bonne voie, la tâche du Comité de sauvegarde est-elle achevée ?

Malheureusement ( ?) non.

Les documents d’urbanisme sont rarement connu du grand public pour lequel ils paraissent abscons. Assurer le respect des prescriptions de la ZPPAUP nécessitera une adaptation des services administratifs concernés ainsi qu’un certain courage politique pour le cas où la prévention et la négociation auront échoué.

Notre Comité pourra diffuser, expliquer, assister, participer…

Il reste également à militer pour la création d’une agence de l’urbanisme qui puisse connaître l’ensemble des questions d’urbanisme à court et à long terme et non gérer au coup par coup les dossiers indépendamment les uns des autres. Enfin toutes les conventions du monde ne pourront envisager tous les cas de figure qui se présenteront. La souplesse et l’indépendance d’une association en font un intervenant essentiel.

Jérôme Guilleminot.